The Goddess de Wu Yonggang (神女 / 1934 / 1h13) sur une musique originale de Sébastien Damiani

The Goddess / La Divine, c’est le nom métaphorique qui désigne la prostituée. Le film témoigne de la condition des femmes du Shanghai des années 30 à travers le récit du destin déchirant d’une mère célibataire qui élève un jeune enfant tout en vendant son corps pour lui offrir une éducation.

La juxtaposition par Wu Yonggang d’un Shanghai « by night » étincelant et Art Déco avec le portrait de l’existence misérable des femmes-courages de la rue illustre les violences sociales subies par les plus pauvres pendant une période d’occupation étrangère et de troubles intérieurs.

La représentations de mères résilientes (dans The Goddess et dans d’autres films célèbres de l’époque comme Little Toys en 1933 et New Woman en 1934) a fait de l’actrice tourmentée Ruan Lingyu (1910 – 1935) le symbole de la féminité des années 1930 et une figure centrale d’un mouvement cinématographique socialement et politiquement progressiste.

Grâce au jeu remarquable de l’actrice, nul besoin d’intertitres pour saisir l’action qui se déroule sous nos yeux. Ses traits expressifs enchaînent les émotions contradictoires. Sa capacité à modeler son visage et à exprimer les sentiments du scénario est tout simplement incroyable et offre un rôle inoubliable à cette actrice hors du commun dont la performance tient le film entier. Son suicide peu après le tournage la consacre tragiquement au sommet de sa carrière.

C’est la perversité de la presse du moment (qui aimait la confondre avec ses rôles) tout comme l’indélicatesse d’un ancien amant qui l’ont conduit au geste sacrificiel irréparable. C’est justement le thème du film : le sacrifice absolu d’une mère pour son fils. Dans une scène marquante, le personnage sacrifie sa réputation, lorsque le directeur de l’école l’interroge  pour savoir si les rumeurs la concernant sont vraies. Elle choisit de dire la vérité pour démontrer qu’elle donne tout à son fils pour lui offrir une éducation. Dans une scène inattendue, point culminant du film, elle ira même plus loin dans le sacrifice.

Wu Yonggang, dont ce fut le premier long métrage, est hypnotisé par sa déesse qu’il filme remarquablement : alternance de plans longs et de gros plans, montage, cadrage, composition, mouvement… Il avait tout appris des plus grands cinéastes et aucun spectateur ne pouvait résister à la maîtrise de la mise en scène de ce mélodrame divin, considéré comme un chef-d’œuvre de l’ère muette du cinéma chinois.

Cette projection sera présentée avec la performance interprétée en direct d’une bande originale composée par Sébastien Damiani. Pour cette pièce musicale, nul sample, ni hip-hop, pas de cross-over. C’est bien à un concert orchestral que le public assistera. Si bien que le terme « ciné-concert » paraît bien réducteur au regard de l’originalité du projet. Fasciné par les musiques du monde et leurs sonorités différentes, Sébastien Damiani a entre autres collaboré par le passé avec des artistes comme Levon Minassian (Doudouk) ou Guo Gan (Erhu Master) pour lesquels il composa de nombreuses pièces orchestrales.

Guo Gan, grand maître du erhu (vièle chinoise à deux cordes) joue avec des musiciens célèbres tels que Lang Lang, Hans Zimmer. Didier Lockwood, Yvan Cassar, Gabriel Yared, Jean-François Zygel, Stromae, Matthieu Chedid. Armand Amar, Sami Yusuf… Guo Gan sera présent sur scène aux côtés de Sébastien Damiani sur scène pour la projection de The Goddess.  C’est donc bien le grand concert d’une bande originale de film totalement inédite qui sera interprétée par de talentueux musiciens qui accompagnera la projection du chef-d’œuvre de Wu Yonggang à Chartres. Les musiciens réunis par Sébastien Damiani ont totalement adhéré au projet du compositeur pour donner à ce chef-d’oeuvre du cinéma muet une dimension inédite. Un projet et un pari fou.  [avec Sébastien Damiani (piano et direction musicale), Guo Gan (Erhu), Mandakhjargal Daansuren (Morin Khuur et chant), Dalaijargal Daansuren (Morin Khuur et chant), Thierry Hochstätter (percussions)]