Tout ce qui touche à Orson Welles est devenu mythique et légendaire. Et la légende dit que le coup de maître Citizen Kane fût son premier film. Or ce n’est pas le cas.
Il y avait d’abord eu eu un premier court-métrage de huit minutes, Hearts of Age (1934), puis Too Much Johnson (1938), un film que l’on a longtemps cru perdu mais que Sound Of Silent – Festival International du Film Muet de Chartres présentera.
Cette copie avait été retrouvée à Pordenone, en Italie, dans un entrepôt. Elle fût restaurée grâce à l’action de quatre institutions : George Eastman House, Cineteca del Friuli, CINEMAZERO et National Film Preservation Foundation.
En 1937, Orson Welles a 22 ans et il n’est pas encore l’homme de radio qui, à l’automne 1938, va créer la sensation avec son adaptation radiophonique de La Guerre des mondes de H.G. Wells dont la légende dit qu’elle a créé une panique monstre à New-York dont une partie de la population aurait réellement cru à la fiction d’une invasion extraterrestre. Un mythe démenti depuis par le sociologue français Pierre Lagrange ou le professeur W. Joseph Campbell, de l’American University.
En 1937, Orson Welles n’est pas non plus encore cinéaste. Depuis un an, il connaît certes plusieurs succès au théâtre et doit adapter pour le Mercury Theatre, une farce sentimentale de 1894 du dramaturge William Gillette, elle-même adaptée d’une pièce française.
Orson Welles a l’idée d’en faire un spectacle multimédia et « cross-over », (comme nous le faisons avec la création du compositeur Sébastien Damiani et ses collaborations musicales – Faf Larage, Shurik’n , Fumie HIHARA, Guo Gan – et théâtrales avec le comédien Philippe Caubère) : chacun des trois actes de Too Much Johnson devait être précédé d’un film muet.
Quatre heures de film sont donc tournées en dix jours, par une équipe qui ne savait rien de la façon dont on tournait les films. L’expérience permet à Orson Welles de découvrir le montage et les possibilités narratives inouïes qu’elles lui offraient.
Finalement, la pièce ne sera jamais jouée et le film ne sera jamais exploité. Orson Welles conservera une copie du film comme il l’expliquait dans une interview à la revue American Film en 1978 :
«Je ne me souviens plus si je l’avais gardée tout du long et l’ai un jour sortie d’un coffre, ou si quelqu’un me l’a amenée, mais elle était là. Je l’ai projetée, et elle était dans un état parfait, sans une rayure. La qualité était bonne. Cotten était magnifique, et j’ai immédiatement songé à monter le film et à le lui envoyer comme cadeau d’anniversaire.»
En 1971 un incendie détruit la villa madrilène d’Orson Welles où était censée être conservée la seule copie du film. … Jusqu’à ce qu’en 2013 des employés en découvrent un tirage dans les caves du Cinemazero, un centre culturel de Pordenone, dans le Frioul-Vénétie julienne, au Nord-Est de l’Italie.